Responsabilité de l’organisateur de voyage en cas d’agression d’une voyageuse par un salarié d’un prestataire

Droit du tourisme

mars 2021

La Cour de Justice de l’Union Européenne a confirmé la responsabilité d’un voyagiste suite à l’agression sexuelle d’une de ses clientes par un employé de l’hôtel dans lequel elle séjournait dans le cadre d’un voyage à forfait.

Cette affaire a été introduite devant la juridiction européenne, par les juges britanniques en juillet 2019 (ante-Brexit) par le biais d’une question préjudicielle en interprétation.

Il résulte des faits qu’un couple avait conclu un contrat de voyage à forfait au Sri Lanka avec un voyagiste. Lors de ce voyage, la cliente a été agressée sexuellement par un des membres du personnel de l’hôtel dans lequel le couple séjournait.

La cour d’appel britannique (X v Kuoni Travel Ltd [2018] EWCA civ 938) a décidé de rejeter la demande d'indemnisation de la victime au motif que les « agissements » du salarié de l’hôtel ne faisaient pas partie des prestations convenues au contrat touristique. Pour la cour, le fait que le salarié en question était électricien pour l’hôtel, il n’exécutait aucune des prestations pour les clients, mais seulement pour l’hôtel.

L’affaire a été portée devant la CJUE et a fait l’objet de deux questions préjudicielles :

1- L’employé de l’hôtel doit-il lui-même être considéré comme un « prestataire de services » ?

2- Si le viol et les agressions commises sur la voyageuse constituent une mauvaise exécution des obligations qui incombaient au voyagiste en vertu du contrat en cause ; ce dernier peut-il s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la cause d’exonération prévue dans les textes européen, à savoir, « un évènement qu’elle, avec toute la diligence nécessaire, ne pouvait pas prévoir ou surmonter » (article 5 , paragraphe 2, troisième tiret, seconde partie de la directive 90/314 concernant les voyages, vacances et circuit à forfait applicable au faits) ?

Concernant la première question, pour la CJUE, cette mauvaise exécution du contrat de voyages à forfait, trouve sa source dans des faits commis par un employé se trouvant sous le contrôle d’un prestataire de services, et est de nature à engager la responsabilité de l’organisateur conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 90/314, alors applicable aux faits.

La Cour rappelle que les obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait, dont la mauvaise exécution engage la responsabilité de l’organisateur, ne sauraient être interprétées de façon restrictive compte tenu de l’objectif de protection des voyageurs poursuivi par la règlementation européenne.

Concernant la seconde question sur la possibilité pour l’organisateur de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant « un évènement qu’elle, avec toute la diligence nécessaire, ne pouvait pas prévoir ou surmonter », la CJUE considère que dès lors que les actes d’un employé d’un prestataire de services lors de l’exécution d’obligations résultant d’un contrat de voyage à forfait entraînent une inexécution ou une mauvaise exécution desdites obligations à l’égard du consommateur relèvent de cette sphère de contrôle. Ainsi, ces actes ne peuvent être considérés comme des événements insurmontables ou imprévisibles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, troisième tiret, de la directive 90/314.

Cette décision des instances européennes illustre le désir d’assurer un haut niveau de protection des voyageurs européens.